Rédaction : Sylvie Desmarais
Paru dans Le Magazine Coeliaque Québec, Vol 38 N° 3 - Hiver 2021
Chaque personne a sa propre histoire avec la maladie coeliaque. Les trois années qui ont suivi mon diagnostic ont nécessité une adaptation majeure à cette nouvelle réalité, non sans quelques passages en montagnes russes. Heureusement, le dénouement a été paisible.
«À l’automne 2017, mon conjoint et moi reprenions la route de la Costa del Sol, dans le sud de l’Espagne, là où nous l’avions laissée. Nous avions dû écourter notre précédent séjour, puisque mon compagnon avait dû être hospitalisé plusieurs jours. Deux années plus tard, c’était à mon tour de visiter cet hôpital à cause de l’apparition de rougeurs et de dérangeantes démangeaisons cutanées. L’urticaire a été désignée coupable et on y remédia avec des injections de cortisone. Avec l’autorisation de poursuivre mon voyage et l’interdiction de prendre du soleil, je me suis pourvu de vêtements couvrants et j’ai dû renoncer à la mer.
À mon retour au Québec, mon médecin généraliste et des spécialistes de la santé se sont tour à tour penchés sur la question. L’allergologue corroborait la crise d’urticaire et suggérait une allergie au tissu de mon sac à dos; le dermatologue abondait dans le même sens et me dirigeait vers un hôpital spécialisé pour y faire des tests épicutanés (connu sous le nom patch tests) qui ne révélèrent pas grand-chose. Avec le temps, des symptômes digestifs s’installèrent progressivement. Pourtant, jamais on n’établissait de lien entre les problèmes de ma peau et mon ventre!
À un certain moment, le seul fait de boire de l’eau était devenu souffrant. L’urgentologue rencontré alors m’a conseillé fortement de consulter un gastroentérologue. Cette porte était déjà ouverte puisque j’en voyais un depuis quelques années à la suite du décès de mon père d’un cancer colorectal. À la fin du rendez-vous, mon conjoint osa du bout des lèvres poser la question presque gênante d’un lien possible entre la réaction cutanée et la digestion. Et vlan! « Dermatite herpétiforme », a-t-il répondu, confiant, en me reprenant le papier que j’avais en main pour y ajouter un test, LE test : IgA, et en prime, une gastroscopie. Sans plus de questions, j’ai poursuivi les démarches.
Un « après » en dents de scie
Le diagnostic est tombé le 1er août 2018. Le gastroentérologue m’a immédiatement dirigée vers une nutritionniste. Quelle chance! Malgré la grande tristesse du moment, j’ai entrepris rapidement les démarches et dans la même journée, je commençais déjà à comprendre les rouages de ma nouvelle alimentation. Sur sa recommandation, je suis devenue membre de Coeliaque Québec. C’est bien naïvement que je suis entrée dans ce nouveau monde et que, progressivement, j’ai ressenti les impacts physiques et psychologiques. La fatigue, les inquiétudes et les symptômes qu'on avait auparavant associés à la ménopause avaient augmenté. D’une part, le soutien de mon amoureux, de mes enfants, de mes amis et mes connaissances acquises auprès de Coeliaque Québec et de ma nutritionniste m’ont rapidement permis d’être efficace dans les changements alimentaires. D’autre part, la lassitude, les difficultés de concentration, l’épuisement général, la tristesse, la déception et les craintes m’ont mis hors du circuit du travail pour plusieurs mois. Aller chercher du soutien psychologique m’a aidée à me remettre sur les rails et à réintégrer ma vie professionnelle.
Une vie sociale à revoir
Même si j’avais trouvé les ressources nécessaires, je suis heureuse d’avoir pu compter sur les anges qui ont jalonné mon parcours. Je pleurais tellement au téléphone en annonçant le diagnostic à mes fils qu’ils croyaient que j’étais en phase terminale. Leur grande compréhension et leur soutien indéfectible ont contribué à faciliter l’acceptation de mon diagnostic: conjoint, enfants, beaux-enfants se sont engagés avec moi pour une activité de financement au bénéfice de Coeliaque Québec (en le faisant seul lorsque je n’avais pas la santé). Ils m’ont aussi aidé à repérer les aliments SANS GLUTEN, en goûtant les recettes que j’adaptais avec de nouvelles farines ou en dénichant un restaurant sécuritaire pour fêter mon anniversaire. La plupart de mes amis ont été aidants, mais certains n’ont pu faire preuve de la même empathie et, malheureusement, nos chemins ont cessé de se croiser.
Lors des invitations, j’ai d’abord cru plus facile d’apporter le contenu entier de mes repas. Après quelques repas partagés à l’extérieur, j’ai tenté de mettre de côté la gêne et la culpabilité pour laisser place au prétexte de l’invitation : la rencontre. Je suis passée d’un sentiment de méfiance à la vigilance. Je ne demande plus si on peut m’accommoder, mais plutôt comment la personne qui me reçoit pense le faire. Cette approche ouvre la porte à un dialogue, à de riches échanges. Au final, je prends une décision éclairée, basée aussi sur mon flair et toujours de manière à demeurer dans une zone de confort.
Les voyages dans tout ça
Voyager était au programme depuis quelques années et c’était aussi un projet de retraite éventuel. L’annonce de la maladie a frappé de plein fouet et c’est sans doute là où le deuil a été le plus difficile à faire. La simple idée de ne plus pouvoir découvrir les spécialités des endroits visités, chose que j’affectionnais particulièrement, me dévastait. Je pensais aussi à mon conjoint que je privais d’un tel plaisir. C’est un peu pour ça que le désir de trouver une solution est devenu si important. Les démarches entreprises n’ont pas été vaines, car elles m’ont permis de continuer à voyager tant au Canada qu’en Europe. J’ai appris beaucoup de ces expériences : bien se préparer, essayer de prévoir les aléas, accepter qu’un petit imprévu survienne et toujours avoir un plan B. Je ris encore de la fois où je me suis fait surprendre dans un hall d’hôtel, à 22 h, avec un verre de lait à la main pour y diluer de la poudre de protéines. L’autocar avait été pris dans un embouteillage et à mon arrivée dans la ville, il était trop tard pour aller au restaurant SG que j’avais déniché!
J’ai surtout tenté de modifier ma perception des voyages en focalisant mon attention sur d’autres aspects : le plaisir de la découverte, les paysages, des activités et la rencontre de personnes merveilleuses.
Et arriva la pandémie
Au moment où le processus d’adaptation prenait forme, la pandémie est arrivée. On ne peut se cacher que le confort et le fait de manger à la maison ont engendré un sentiment de sécurité et de simplicité. Après 16 mois de confinement, me réapproprier les stratégies nécessaires lors des sorties a été une étape contraignante. Or, le rappel à la réalité, le désir de partager un bon repas avec la famille ou les amis, de sortir et de recommencer à visiter ont réveillé le désir de m’adapter.
Et aujourd’hui
Chacun chemine à sa façon devant les défis de la vie. Si les étapes qui suivent l’annonce d’un diagnostic demeurent inévitables, l’attitude qu’on adopte et le temps arrangent bien les choses. Bien que mon entourage ait démontré une grande ouverture, j’ai dû m’impliquer dans le processus, faire des recherches et apprendre à planifier. Il a aussi fallu que j’informe, que je forme et que j’insiste parfois auprès de certaines personnes, mais le jeu en a valu la chandelle. La santé retrouvée, je ne veux pas sacrifier le plaisir de partager un repas. Je vous ai livré ma formule pour trouver mon équilibre et je souhaite sincèrement qu’elle vous inspire afin que vous trouviez la vôtre.