Témoignage de Noémie Bernier, membre de Coeliaque Québec, une vie chamboulée par les fausses-couches.
Je suis membre de Coeliaque Québec depuis 2014. Je travaille dans un Centre de la petite enfance depuis de nombreuses années, un travail qui me plaît énormément. Je m’occupe des poupons, j’adore ce groupe d’âge. Mon conjoint Éric et moi habitons une maison en cogénération avec ma mère. Je suis la maman de deux belles petites filles, Marylou (11 ans) et Maely (5 ans). J’ai eu les premiers symptômes de la maladie cœliaque vers 2005, après la naissance de Marylou : diarrhées fréquentes, fatigue continue. On diagnostique alors un problème avec ma glande thyroïde. Celle-ci est maintenant contrôlée par médication.
Une seconde grossesse s’annonce en 2007, une échographie à 13 semaines révèle un fœtus de la taille de 7 à 9 semaines environ. Il n’a pas survécu. Le médecin m’explique qu’une femme sur cinq subit des fausses-couches. Je prends donc le temps de vivre cette épreuve que plusieurs femmes vivent. Malheureusement, deux autres fausses surviennent.
Je consulte à nouveau le médecin qui croit que j’ai peut-être une malformation au niveau de l’utérus, mais finalement on diagnostique une carence du facteur V de Leiden (une maladie héréditaire de la coagulation du sang). Ainsi, advenant une autre grossesse, je devrai suivre un traitement spécifique pour minimiser les risques. Malgré tout, deux nouvelles fausses-couches ont suivi. Toujours les mêmes symptômes, mais amplifiés par le besoin de faire fréquemment des siestes. Je suis souvent étourdie. Selon mon médecin, mon bilan sanguin est normal.
Éric et moi avons continué à espérer la venue d’un deuxième enfant. La cinquième fausse-couche a été plus difficile, j’ai appris que j’étais enceinte de jumeaux monozygotes. Malheureusement, cette grossesse n’a pu être menée à terme.
Finalement en juin 2010, je suis à nouveau enceinte et cette fois-ci, la grossesse se déroule normalement avec un suivi médical rapproché. Maely naît en janvier 2011. Après l’accouchement, je ressens de plus en plus de symptômes de fatigue, je n’ai aucune énergie pour allaiter, je me sens souvent étourdie et faible. Ma pression sanguine était anormalement basse. Je perdais du poids, j’étais rendue à 92 lb (42 kg), mon poids normal étant de 120 lb (54 kg). Mes tests sanguins décèlent un peu d’anémie. On me dit que c’est normal, ayant deux jeunes enfants à m’occuper et une vie active. On m’envoie en urologie, puisque l’on détecte un taux anormal de protéines dans mes urines. J’ai toujours des douleurs au ventre et des diarrhées fréquentes. La petite Maely n’était pas bien également. Elle pleurait beaucoup et dormait peu. À un an elle ne pesait que 12 lb (5,4 kg), un poids anormal pour son âge. Je me suis même rendue à l’urgence de Ste-Justine, inquiète de son état. On m’a suggéré de prendre rendez-vous avec mon pédiatre de ma région afin qu’il investigue davantage. Le pédiatre a entrepris de la voir toutes les semaines afin de suivre sa prise de poids. Il m’a suggéré de couper les produits laitiers, le soya. Rien n’y faisait.
Je prenais mon mal en patience, peut-être avais-je un bébé de plus faible stature et plus difficile. De mon côté, j’étais toujours très fatiguée, avec des problèmes gastro-intestinaux constants, des diarrhées et incapable d’accomplir les simples activités quotidiennes. Sortir à l’extérieur était une grande source d’inquiétude. Nous n’avions plus de vie, Maely et moi étions dans un état pitoyable.
De plus en plus, inquiète de ma santé et après insistance auprès de mon médecin, pour une investigation plus approfondie, j’ai passé d’autres tests sanguins. Finalement, les résultats ont relevé un taux d’anticorps anti-transglutaminase élevé. Le médecin m’a donc recommandé d’arrêter de consommer du gluten, puisqu’il soupçonnait une maladie cœliaque et m’a référé en gastroentérologie pour confirmer le diagnostic. Nous étions en juillet, le rendez-vous a été fixé pour décembre. Malheureusement, ma biopsie a été reportée à la mi-janvier, je devais être sous régime avec gluten. Mes sentiments étaient partagés devant ces recommandations contradictoires.
La biopsie a lieu le lendemain des funérailles de mon père. C’est un moment marquant, puisque l’on me confirme que j’ai la maladie cœliaque et que la maladie cœliaque est héréditaire. Est-ce que la maladie cœliaque pourrait être la cause des problèmes de santé de Maely ? En effet, quelques mois plus tard on confirme que Maely est cœliaque.
Maely a repris du poids, sa croissance suit maintenant une courbe normale et elle a retrouvé ses couleurs.
Notre vie a complètement changé depuis ce diagnostic. J’ai retrouvé la vigueur d’avant, je pratique différents sports avec ma famille, j’ai encore beaucoup d’énergie même après une journée de travail active auprès des tout-petits. Cette année, j’ai couru 12 km au Bromont Ultra. Les filles ont également été de la course, elles ont parcouru 2 km, accompagnées de leur papa. Je vois la vie d’un autre œil ayant passé au travers de tous ces obstacles. La famille a été présente tout au long de cette épreuve. Ayant connu un état lamentable Maely et moi, notre santé retrouvée fait toute la différence.
Tiré du magazine Info Coeliaque Vol 33 N° 3 Hiver 2016