Rédaction : Annie Girard
Paru dans Le Magazine Coeliaque Québec, Vol 40 N° 1 - Printemps-Été 2023
Quand la maladie coeliaque devient une puissante inspiration pour des scientifiques comme Kenza chtoutal, c’est franchement rafraîchissant. Faire progresser la science pour aider d’autres personnes coeliaques, c’est son carburant et ça lui va à merveille!
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Diagnostiquée coeliaque en 1999, vers l’âge de deux ans, alors qu’elle habitait encore au Maroc, son pays d’origine, Kenza Achtoutal ne conserve aucun souvenir d’enfance lié à sa maladie. Kenza était si jeune et ses parents si dévoués qu’elle ne retient que du bon. À un point tel que sa maladie a orienté sa vie professionnelle à l’âge adulte.
Arrivée au Québec à l’âge de quatre ans, alors que peu d’aliments SANS GLUTEN étaient offerts en épicerie, la jeune Kenza avait la chance de se faire livrer ses coups de coeur directement d’Europe par des proches. Avec les années, ses parents ont graduellement pu dénicher ici des denrées adaptées à sa diète. Au fil du temps, la fillette a dû se responsabiliser par rapport à sa maladie. « J’ai développé de la maturité plutôt jeune, explique-telle. Mon alimentation SANS GLUTEN restrictive devait être respectée à la lettre pour éviter les inconforts. Je sentais bien que j'étais différente au contact des autres personnes qui ne mangeaient pas comme moi, mais ça m'importait peu puisque c'était la seule alimentation que j'avais connue. Je suis convaincue que cette sagesse m’a aidé dans plusieurs aspects de ma vie, notamment dans le cadre de mes études. »
De coeliaque à médecin
Fortement inspirée par son histoire personnelle, mais aussi par la rencontre d’un médecin humain et empathique, Kenza s’est intéressée toute jeune au domaine médical. Sa passion l’a motivée au moment de faire le choix de sa future vie professionnelle. Elle a étudié en médecine à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke et a obtenu son diplôme d’études doctorales en 2019. À l’heure actuelle, elle complète sa résidence de médecine interne générale de cinq ans. Pratiquer ce métier la rend heureuse. « J’aime accompagner mes patientes et mes patients afin qu’ils prennent en main leur santé, précise celle qui parle couramment quatre langues (français, anglais, arabe et espagnol). Maîtriser plusieurs langues me permet d’avoir un lien privilégié avec celles et ceux qui ne parlent pas bien le français. Tout devient plus clair et c’est plus rassurant. »
Une élève impliquée
Hautement intéressée par la médecine et mue par une envie de donner au suivant, la spécialiste de la santé âgée de 25 ans s’est impliquée dans divers comités pendant ses études. Administratrice responsable des affaires pédagogiques – Spécialités (certifications, agréments, représentation des résidentes et des résidents, etc.) au sein de la Fédération des médecins résidents du Québec, elle a aussi représenté ses pairs résidents à l’Association des médecins résident(e)s de Sherbrooke. « Ces implications me tiennent à coeur, elles sont gratifiantes pour développer mon sentiment d’appartenance à ma communauté. » En avril 2022, la Dre Achtoutal est devenue lauréate du certificat d’excellence Étoile montante de l’Université de Sherbrooke décerné par l’Association canadienne pour l’éducation médicale. Ce prix a mis en évidence comment elle deviendra une excellente médecin par son expertise, son approche et sa collégialité. « J’ai perçu ce prix comme une touchante attention et une belle reconnaissance. Ça m’a fait chaud au coeur de savoir qu’un de mes enseignants avait soumis ma candidature, qu’il croyait en moi. »
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Être à la fois coeliaque et médecin me permet de faire preuve d’empathie et de
donner des conseils personnels à mes patientes et patients. Cet aspect humain
me paraît essentiel dans mon travail.
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D’une personne coeliaque à l’autre
Consciente que sa maladie coeliaque (MC) représente une force, la docteure accompagne personnellement celles et ceux qui sont confrontés à ce diagnostic. Bien que dans la plupart des cas, des symptômes étaient présents depuis des mois, l’annonce de la maladie coeliaque est reçue comme un choc. « Après quelques jours, je les appelle pour prendre des nouvelles, note-t-elle. Je leur donne des astuces quant à leur nouvelle alimentation, je leur parle de mes produits préférés et des épiceries où je trouve des aliments SANS GLUTEN. » Elle bonifie ainsi ses relations, donnant du coup un sens profondément humain à son intervention et à son métier.
Une étude stimulante
Au début de la pandémie, dans le cadre de son stage de recherche en tant que résidente du programme de médecine interne à l’Université de Sherbrooke, Kenza Achtoutal a réalisé une étude qui pourrait simplifier le diagnostic de la MC. Les dernières directives de la Société européenne de gastroentérologie pédiatrique, d’hépatologie et de nutrition suggèrent de nouveaux critères. Deux prises de sang, sans faire de biopsie, permettrait de diagnostiquer la MC chez les enfants. La scientifique souhaite savoir si cette directive pourrait s’appliquer à la clientèle adulte. Le questionnement est arrivé à point pour un processus plus rapide dans un contexte de pandémie. « Sous la supervision de la Dre Marie-Pier Bachand, gastroentérologue, l’étude rétrospective était réalisée auprès d’adultes ayant des titres d’anticorps anti-transglutaminase positifs, donc potentiellement atteints de la MC, indique-t-elle. Nous avons recherché à établir un seuil à partir duquel les patientes et les patients avaient une biopsie compatible avec une MC, donc un diagnostic final de MC. Quelle satisfaction! » Actuellement, cette étude n’est pas suffisante pour changer les critères diagnostiques. La recherche doit être peaufinée et étudiée à plus grande échelle avant d’affirmer que ce moyen permet de diagnostiquer la MC chez l’adulte. Notons que l’étude a été présentée dans le cadre de la Journée scientifique du département de son université, aux congrès annuels de l’Association des gastro-entérologues du Québec et de l’American College of Gastroenterology à Las Vegas. « Nous en sommes fières. C’était stimulant de partager notre découverte avec nos pairs et de susciter leur intérêt. » À suivre, car il faut continuer le boulot. Et pour ça, Kenza Achtoutal demeure plus que jamais motivée.