Ayant grandi avec la maladie coeliaque, Amélie Therrien a choisi de devenir gastroentérologue. Rencontre avec une membre du comité scientifique de Coeliaque Québec qui cherche à percer les mystères de cette maladie pour mieux accompagner les personnes qui en sont atteintes.
Contrairement à plusieurs, il n’y a pas eu d’«avant / après» pour Amélie Therrien. «En fait, je ne me rappelle pas avoir été malade», lance la jeune femme rejointe par téléphone à Boston où elle poursuit un fellowship, soit des études supérieures en recherche. S’il en est ainsi, c’est que le verdict est tombé alors qu’elle n’avait que 18 mois. «À l’époque, à la fin des années 80, la maladie était rarement diagnostiquée. Les prises de sang pour déceler les anti-transglutaminases n’existaient pas, donc probablement que pour plusieurs personnes, la maladie passait sous le radar. Mon pédiatre devant les symptômes que je présentais, comme une perte de poids et des signes de malnutrition, a tout de suite évoqué cette possibilité et a recommandé à mes parents de consulter un gastroentérologue pédiatrique au Montreal Children’s».
À la suite du diagnostic, puis de l’élimination complète du gluten dans son alimentation, un retour à la normale s’est lentement mais sûrement opéré, et les symptômes ont disparu au bout de quelques mois.
Du plus loin qu’elle puisse se souvenir, Amélie Therrien n’a donc jamais consommé les aliments usuels contenant du gluten et s’est peu sentie privée. « Il existe une multitude de produits que je n’ai jamais mangés, et cela ne m’a jamais embêtée. Avec l’offre grandissante du sans gluten, j’ai pu goûter à de nouvelles choses, mais je n’ai pas vraiment eu de coups de cœur. »
Une impressionnante trajectoire
Est-ce son parcours avec la maladie cœliaque qui a dicté son choix de carrière en gastroentérologie? Si la décision de prendre cette voie a été prise au moment de ses études universitaires, une chose est certaine, l’esprit scientifique et la curiosité étaient au rendez-vous depuis longtemps. « Déjà, au primaire, je m’intéressais à tout ce qui entourait la digestion. Je me rappelle par exemple avoir fait un exposé oral sur le sujet alors que j’étais en 5e ou 6e année. Ma mère avait même réussi à trouver dans une épicerie italienne des tripes de bœuf que j’avais apporté en classe pour expliquer aux autres enfants comment était fait notre système digestif!»
Sans surprise, ce sont les cours de biologie qui ont remporté sa faveur durant son secondaire. «À cette époque, j’ai commencé à vouloir me diriger vers les sciences de la santé», confie celle qui, quelques années plus tard, a entamé des études universitaires en médecine. «Au début, la radiologie m’intéressait beaucoup, mais j’ai vite réalisé qu’en me spécialisant dans cette branche, le contact direct avec les patients me manquerait. J’ai donc bifurqué en gastroentérologie, un domaine qui englobe d’autres aspects qui me rejoignent beaucoup, comme l’immunologie.»
Place à la recherche…et au patient
Durant son parcours universitaire, Amélie Therrien fait un autre constat : la recherche constitue également un volet qui lui plaît énormément. «J’aime aller au bout des choses, de tellement creuser une question que l’on parvient à faire des découvertes et à créer de nouvelles connaissances sur celle-ci.»
Elle a donc intégré le programme de formation de cliniciens-chercheurs de l’Université de Montréal où elle se consacre surtout à la maladie de Crohn, qui a aussi fait l’objet de sa maîtrise. «En parallèle, je me suis intéressée à la maladie cœliaque. Je me suis toujours tenue à jour à ce sujet et j’oriente aujourd’hui une partie de ma recherche vers des questions entourant cette pathologie».
Malgré sa passion pour la recherche, Amélie Therrien n’a rien de la scientifique cloîtrée dans son laboratoire ou le nez dans ses livres ! «De plus en plus, la recherche se développe autour du patient, ce qu’on qualifie en anglais de ‘‘patient oriented research’’. Ce qui veut dire que l’on travaille de concert avec des groupes de personnes atteintes de la maladie cœliaque afin de connaître leurs priorités et leurs besoins. En tant que chercheurs, on est souvent attirés par la compréhension des mécanismes d’une maladie ou par une problématique clinique que l’on juge préoccupante, mais le patient a peut-être d’autres préoccupations, et c’est bien normal. Il souhaite par exemple avoir accès à des produits absolument sans traces de gluten ou éviter certains examens, comme l’endoscopie, pour établir le diagnostic. Il s’agit donc de faire arrimer ces deux réalités.»
Le nerf de la guerre
À travers ses recherches liées à la maladie cœliaque, Amélie Therrien désire surtout parvenir à mieux déterminer quels individus sont susceptibles de la développer. «Il y a environ de 30 à 40% des Occidentaux qui sont porteurs du gène, mais seulement une petite partie aura la maladie, explique-t-elle. On voudrait mieux comprendre quels sont les éléments déclencheurs pour pouvoir mettre en place des mesures de prévention : des vaccins, des médicaments, de la surveillance, etc.»
Bref, discuter avec cette spécialiste donne bon espoir. On ne peut en effet que se réjouir et être rassuré de savoir que plusieurs avenues sont explorées sans relâche. S’ils ne prétendent pas pouvoir éventuellement enrayer la maladie, plusieurs chercheurs comme Amélie Therrien sont à l’œuvre pour que la qualité de vie de tous ceux et celles atteints soit de moins en moins altérée par les symptômes.
Par Clémence Risler
Article paru dans le magazine Info Coeliaque Printemps-Été 2019 Vol 36 N° 1